AccueilUniversitéLa « success story » de l’école d’ingénieurs de l’Université des Antilles

La « success story » de l’école d’ingénieurs de l’Université des Antilles

Depuis 2012, l’école d’ingénieurs de l’Université des Antilles a formé plus de 130 cadres antillo-guyanais spécialisés dans les techniques de valorisation énergétique, de maîtrise de l’énergie, d’efficacité énergétique, de recyclage des matériaux et d’utilisation de matériaux durables.

Le diplôme « énergétique » vise à développer des compétences dans la conception et l’optimisation des procédés et des installations industrielles de production, de stockage et de transport d’énergie qui exploitent des sources d’énergie primaires renouvelables diversifiées dans un contexte concurrentiel et règlementé. L’objectif est de former des ingénieurs capables d’organiser et de gérer durablement et efficacement les flux d’énergie.

Le diplôme « environnement et matériaux » vise particulièrement le développement des compétences liées au domaine de l’économie circulaire, de la conception, du recyclage et de la maintenance des matériaux avec un volet en hygiène, qualité et sécurité au travail. Le but est de former des ingénieurs capables de gérer les problématiques associées au cycle de vie d’un produit, tout en prenant en compte des considérations environnementales.

Ce sont les deux seules formations d’ingénieur de la Caraïbe habilitées par la Commission des Titres d’Ingénieur, unique instance garantissant et certifiant le diplôme des écoles d’ingénieurs.

La véritable réussite de cette formation réside dans le taux d’insertion professionnelle dans son bassin de vie et d’emploi :

  • 95% des diplômés sont embauchés (72% en CDI)
  • 67% travaillent au sein des entreprises, des bureaux d’études
  • 23% rejoignent le secteur public, les collectivités locales
  • 6% font le choix de poursuivre leurs études (thèse, recherche).

Les ingrédients du succès sont :

1.   Deux formations de qualité qui répondent aux attentes et coïncident avec les besoins du marché de l’emploi.

2.  Une offre qui se situe dans des régions (zone Caraïbes) fortement impactées par le réchauffement climatique.

3.     Les structures d’accueil peuvent anticiper et intégrer l’offre dans la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières. Les entreprises, les bureaux d’études, les sociétés d’économie mixte, les collectivités locales qui élaborent les organigrammes du nouveau millénaire, peuvent également mieux se projeter.

4. Deux diplômes d’ingénieur qui constituent un sésame pour ouvrir les portes de recrutements concrets.

À l’ère de la transition écologique et du mix énergétique, tous ces facteurs contribuent à nous faire atteindre l’objectif ambitieux et néanmoins réaliste de 100 % d’autonomie énergétique à l’horizon 2050, et celui d’une électricité 100% renouvelable dès 2030.

I – L’école d’ingénieurs, futur vaisseau amiral de la technopole du Morne Bernard ?

La question mérite d’être posée, surtout compte tenu du contexte favorable qui se dessine après de longues années d’attente et de l’importance symbolique de cette implantation[1].

Le projet de la technopole est un pari ambitieux. Destiné à s’implanter sur une vingtaine d’hectares au cœur du secteur de Morne Bernard, il a été lancé en avril 2008 par la Ville de Baie-Mahault. Il est conçu comme un éco-quartier innovant, faisant de la responsabilité environnementale un axe essentiel. Ce pôle de compétitivité voué à une spécialisation tertiaire « nouvelle génération » est destiné à mettre en valeur les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) liées à la transition énergétique, avec notamment la construction de bâtiments Haute Qualité Environnementale (HQE).

Le choix de la « vallée du Morne Bernard » s’explique principalement par sa position qui est au carrefour d’une zone stratégique de pointe en termes d’économie, d’emplois et d’innovation (Grand port Caraïbes, Aéroport Pôle caraïbes, Zone Industrielle de Jarry, Université des Antilles, Centre Hospitalier Universitaire., etc.).

Sa vocation à promouvoir l’efficacité fonctionnelle et la synergie des compétences « hautes technologies, formations et recherches » rassemblées sur un site dédié, favorisera également l’accueil d’entreprises privées : commerces, services, village high-tech, pépinière d’entreprises, hôtel d’entreprises, fab lab, écoles d’ingénieurs, Ecole 42, le Bâtiment à Energie Positive DOM, le siège d’EDF, le centre opérationnel du groupe Orange, un centre des métiers de l’aérien en partenariat avec Air-Caraibes…

Les infrastructures prévues au sein de la Technopole Audacia Caraïbes sont destinées à rayonner bien au-delà des frontières de la Guadeloupe. « L’espace public épouse la forme d’un amphithéâtre naturel et se déploie à travers un campus paysagé appelé à accueillir toutes les activités culturelles liées aux fonctions du Technopole : cinéma de plein air, e-festivals, tiers-lieux, circuits pédagogiques »[2]. Le volet mobilité douce est essentielle, puisqu’ « à l’intérieur de l’éco-quartier, les modes de déplacements privilégiés (seront les) piétons, vélos et deux roues électriques. S’agissant des performances énergétiques, tous les bâtiments, auvents, aires d’attente, de circulation et combrières pour les parkings aériens seront équipés de panneaux photovoltaïques. Ces moyens de production d’énergie seront mutualisés au sein d’une opération d’autoconsommation collective. L’objectif est de faire de Morne Bernard le premier écoquartier de Guadeloupe à énergie positive (production d’énergie supérieure à sa consommation) alimentant les quartiers alentours. De quoi, au plan énergétique, l’affirmer comme une référence internationale en région tropicale »[3].

La certification CERTIVEA obtenue récemment atteste que l’opération a été évaluée sur la base du référentiel HQE Aménagement Durable, et donne le « la », eu égard aux objectifs environnementaux visés à long terme.

À l’instar de la future faculté de médecine de plein exercice qui prendra place dans la zone de Perrin aux Abymes, aux côtés du nouveau Centre Hospitalier Universitaire (CHU), élément phare de ce qui est projeté comme la « Médecine Valley », un cluster santé qui rassemblera le CHU, une clinique privée, les écoles paramédicales, le centre de simulation, l’hôtel hospitalier, des laboratoires de recherche, ainsi que le cyclotron.

Dans le même esprit, l’implantation de l’école d’ingénieurs dans un cluster approprié devrait lui conférer une totale autonomie, favoriser son développement et lui permettre de s’épanouir pleinement. Cela offre également l’avantage de dissiper les malentendus qui peuvent parfois surgir entre l’université, les autorités locales et les entreprises. Il s’agit là d’un véritable partenariat public-privé visant à rapprocher des acteurs qui ont peu l’habitude de collaborer.

Dès le départ, l’objectif a bien été de rapprocher l’Université des Antilles (UA), les collectivités locales et les entreprises. En effet, une technopole incarne le principe de la quadruple hélice qui fédère chercheurs, entreprises, financeurs et pouvoirs publics. Notre ambition a toujours été de placer en tête l’un des domaines d’expertise stratégique du territoire, la construction sobre en énergie, dans un environnement insulaire tropical. Depuis longtemps, la Guadeloupe est pionnière dans le domaine des énergies renouvelables et de la maîtrise de la consommation énergétique.

Demain, c’est une zone qui devra se distinguer par son unicité et son leadership à l’échelle du bassin caribéen oriental[4]. Cette longueur d’avance est un atout supplémentaire pour assurer la légitimité de la Guadeloupe comme un pôle d’excellence, de compétitivité, un lieu de référence et de démonstration dans les sujets traités.

À l’avant-garde des problématiques énergétiques

Comme nous pouvons le découvrir dans le film « énergies insulaires[5] » de Pierre Dahomay et Pascal Garel, l’histoire de l’énergie en Guadeloupe est ancienne. Elle prend racine dans les années 80 avec la création de géothermie Bouillante qui demeure aujourd’hui la seule centrale géothermique de la Caraïbe insulaire. Elle s’est poursuivie en 1993 avec les premiers parcs éoliens installés à la Désirade puis à Marie-Galante.

Le projet technopolitain s’inscrit dans la continuité de cette histoire. Il constitue un outil de développement, de dissémination de la connaissance et de l’expertise permettant de créer une rupture technologique des pratiques constructives en climat tropical humide.

Soucieuse de demeurer à l’avant-garde concernant les problématiques énergétiques et afin de se doter d’un outil propre de pilotage, la Région Guadeloupe a sollicité et obtenu l’habilitation à faire les lois et règlements en matière d’énergie.

Il apparaissait en effet nécessaire pour plus d’efficacité des politiques publiques, de prendre en compte dans la réglementation les spécificités du territoire. À titre d’exemple, jusqu’en 2010, la Guadeloupe, comme les autres départements d’outre-mer, ne disposait pas de réglementation thermique pour la construction des bâtiments. C’est cette habilitation qui a permis d’élaborer la Réglementation Thermique de Guadeloupe (RTG), avec le large concours des spécialistes locaux. Désormais, la Région Guadeloupe est maîtresse du cadre législatif, fixant les objectifs à atteindre et donnant un cap clair et affirmé en matière de politique énergétique, notamment à travers l’élaboration de la Programmation Pluri-annuel de l’Energie (PPE).

II- De nouveaux emplois dans des secteurs à forte valeur ajoutée et le rayonnement de la recherche locale[6]

De nombreux emplois à pourvoir dans divers secteurs et pour toutes les catégories professionnelles émergent :  des ingénieurs, mais aussi des électrotechniciens, électriciens, énergéticiens… Tout cela représente un grand potentiel d’industrialisation, d’innovation et d’emplois locaux, autant d’éléments structurants d’une filière dont le savoir-faire et les techniques constitueront un atout sur les marchés extérieurs.

Ainsi, convaincue de son avantage comparatif en matière d’énergies alternatives, de l’importance de la maîtrise de la consommation énergétique pour le devenir de son territoire et en sa qualité de pilote du développement économique, la Guadeloupe a œuvré à chaque pièce du puzzle, à leur cohérence et à leur complémentarité.

S’il s’agit d’un projet audacieux, nous ne sommes cependant pas en présence d’un projet élitiste. Bien au contraire, il est inclusif. La présence de l’entreprise d’insertion PAIE 2002[7] en plein cœur de la trame verte témoigne de l’importance de l’économie sociale et solidaire. À l’instar d’École 42[8], les jeunes doivent pouvoir intégrer des lieux de formation sur la base de leurs compétences, leur potentiel, plutôt que sur leur qualification académique.

La « fertilisation croisée » en action

Ce travail, en synergie avec les partenaires socio-économiques et de la formation, repose sur la conviction et la volonté partagée de faire de la Guadeloupe un territoire exemplaire sur ce sujet prégnant de l’autonomie énergétique.

Plus que jamais, nous devons mettre en avant l’importance de la concertation et de la participation de chaque partenaire pour la réussite et l’aboutissement de tels projets. C’est tout le sens de la théorie de « fertilisation croisée », que je propose, si l’on désire accroître l’efficacité des politiques publiques.

Souhaitons bonne chance à cette nouvelle génération d’ingénieurs qui aura la lourde tâche de participer à l’avènement du « monde d’après » et de cette filière, dont le succès repose sur le talent des étudiants et la qualité des enseignants-chercheurs.

Teddy Bernadotte

  • Directeur territorial, Chargé d’enseignement
  • École doctorale droit et science politique
  • Institut Maurice Hauriou
  • Université Toulouse 1 Capitole

[1] – Directeur de cabinet de la ville de Baie-Mahault (2001-2015) et en charge du projet de la Technopole depuis l’origine, j’avais déjà exprimé ce rêve à feu le doyen Alex Méril, lors d’une visite sur le site du Morne Bernard, il y a plus d’une dizaine d’années. Toutes les conditions semblent aujourd’hui réunies pour que nous puissions le réaliser.

[2]Marc Jalet, architecte en charge de l’aménagement.

[3] – Idem.

[4] – La signature de l’adhésion de la Guadeloupe, en présence notamment des chefs de gouvernements des pays membres de l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale, se déroule le jeudi 14 mars 2019 au campus du Camps Jacob, à Saint-Claude.

[5] L’électricité est un excellent témoin des évolutions historiques et politiques de la Guadeloupe au cours du XXe siècle, depuis la période coloniale post-esclavagiste jusqu’à son intégration dans l’Europe, en passant par la départementalisation. En quelques dizaines d’années, les Guadeloupéens sont passés de la lampe à pétrole à la Lampe à Economie d’Energie (LED), des sorties en famille pour le lavage du linge en bord de rivière au lave-linge classe A, des soirées de contes au clair de lune à la télévision via le satellite, de la lettre manuscrite au mail.

[6] La publication du classement thématique 2023 de Shanghai valorise cette année 84 établissements d’enseignement supérieur français au sein de 51 palmarès disciplinaires. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche se félicite de l’entrée de huit établissements français dans ce palmarès 2023, dont l’Université des Antilles. Deux universités ultramarines sont dans le classement de Shanghai qui classifie les meilleures universités mondiales, ce qui illustre le maillage territorial de l’excellence, selon le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche française. C’est dans le domaine de l’écologie que l’Université des Antilles s’est distinguée.

[7]PAIE (Prévention, Action, Insertion et Education) 2002 est une entreprise d’insertion qui a inséré plus de 435 jeunes en 20 ans. Elle œuvre dans les domaines de la valorisation du littoral, du fleurissement des giratoires, de la préservation de l’environnement, des pépinières, de la sensibilisation à l’économie circulaire…Cette structure est en harmonie avec son époque : l’évolution du public allant de pair avec l’évolution de PAIE qui, désormais, propose des formations et dispense des certificats.

[8] – Créée en 2013 par Xavier Niel, Ecole 42, est une formation en informatique d’excellence pour tous et toutes. Peu importe son parcours, ses aspirations ou ses motivations. Au programme de cette école différente et innovante : une approche par projet pour progresser et développer des compétences techniques et humaines recherchées sur le marché du travail.

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