Dark Light

Je viens d’achever un excellent livre, Albert Beville alias Paul Niger. En commettant cet ouvrage Wonal Selbonne (désormais “Ronald”)”fait œuvre de salubrité publique, car il nous permet de sortir de l’ignorance.

Découverte d’une pépite pour un chercheur ou exhumation/ révélation/ réinvention d’un génie par un biographe. Comme pour le plus grand nombre (je présume), Albert Beville alias Paul Niger n’était jusqu’ici qu’un nom sur la face de la médiathèque de Basse-terre, Port-Louis, Capesterre Belle-Eau et Grand-Bourg, il existe une rue Albert Béville.

“Entre ici, Jean Moulin”, ainsi parle André Malraux. Parce que l’on avait laissé (injustement) à la porte, Ronald Selbonne, rend justice à un homme et le fait entrer dans le panthéon guadeloupéen.


Non, nous ne venons pas de rien, ah bon! On m’aurait menti?

Oui, les débats qui animent, agitent (aujourd’hui) ce pays ont déjà été abordés, traités avec beaucoup plus de talent.

Parce qu’on l’a oublié, son livre nous rappelle que l’arc antillo-guyannais a engendré Saint-John Perse (prix nobel de littérature), René Maran (prix Goncourt), Guy Tirolien, Gaston Monnerville (président du sénat), Léon-Gontran Damas, Aimé Césaire, frantz Fanon, Edouard Glissant (prix Renaudot), Dereck Walcott (prix Nobel de littérature)….

Notre grande Région a produit également des hommes qui n’avaient pas peur de monter au front, des acteurs-auteurs engagés, tel Sonny Ruppaire, combattant sur le front algérien. Un engagement “musculaire” qui ne demeure pas théorique et intellectuelle. Pas de peur, mais de l’audace que l’on retrouve dans les « pigments » de Damas, mais aussi chez les autres apôtres de la négritude que ce sont Césaire et Senghor.

Mais par dessus tout, j’ai aimé ce regard lucide sur “la racine baobab”, l’Afrique sans fards (pour citer Marcel Manville) et sans condescendance. “Je n’aime pas l’Afrique” de Paul Niger renvoie (en écho et en prolongement réciproque) à la “Prière du petit enfant nègre ” de Guy Tirolien. Non?

Leurs poèmes reprennent la même bataille contre l’aliénation culturelle. Ils contestent l’éducation des blancs. Le côté symbolique est très important car l’école est le lieu de l’inculcation d’une autre culture, d’une autre assimilation. La civilisation occidentale passe à travers cet endroit.

Le rejet par ces auteurs de cette formation coloniale puis néo-coloniale traduit cette répulsion vis-à-vis de la colonisation. Et il y a une évidente contre nature entre la culture naturelle des africains, leur héritage, leur atavisme, d’une part, et, d’autre part, un choix délibéré des colonisateurs qui veulent faire d’eux autre chose.

C’est ainsi que Césaire soutenait que « l’école était là pour parfaire leur aliénation ».

Ronald nous apprend que “Pour le guadeloupéen, on l’aura compris, il ne s’agit pas de se comporter en “colonisé colonialiste”, d’accepter d’être le bras servile au service d’une entreprise de domination totale. Trop d’antillais ne pourront s’empêcher d’endosser le complexe de supériorité vis à vis des africains”.

Mais, parce qu’il y a toujours, un Mais! Pas plus qu’Albert Memmi (portrait du colonisé) Ronald ne m’apporte pas de réponse à une question que je continuerai de me poser. Comment représenter un système que l’on est sensé combattre? Faire parti d’une élite intellectuelle, être un pur produit d’un état colonial, la rue d’ULM pour Césaire et Senghor et l’ENFOM pour Béville et Tirolien. Comment dénoncer cette école? Lieu d’acculturation pour le colonisé.

Comment représenter un système que l’on est censé combattre ? Impossible, sauf à servir de faire-valoir ou d’alibi.

Mèsi Wonal, Marie-Galante produit toujours, et pas seulement du bonbon siwo et du Père Labat. Prenons ce livre comme une invitation à mettre nos pas dans ceux de nos géants, pour être à la hauteur des enjeux.

Albert Beville alias Paul Niger disparaît tragiquement dans un crash aérien, en suivant sa piste, Wonal ne s’est pas trompé, et mwen non plis, an pa gadèdzafè, mé an sav liv-lasa, ké pé fè lèspri a zòt “dékolé”….


  • ISBN: 978-2-84450-427-2
  • Date de parution: 10 janvier 2013

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