L’assimilation administrative, source d’inefficacité des politiques publiques ?

Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Guyane et Martinique… Les territoires éloignés de la République expriment un désir de changement et souhaitent redéfinir les liens qui les unissent à l’État. Ce mouvement amorcé depuis quelques années semble se confirmer ; il va dans le sens de l’histoire. La Guadeloupe pourra-t-elle se tenir à l’écart de ces évolutions ?

Ce débat fort ancien, il convient (enfin) de le dépasser. Il est temps de sortir de la distinction assimilation-spécialité législative qui prend naissance avec le vote de la loi de la départementalisation du 19 mars 1946. Un débat, plus idéologique que juridique, devenu désuet depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qui introduit un droit à l’expérimentation au profit des collectivités territoriales, leur permettant, pour une durée a priori déterminée, de renforcer et d’étendre leur pouvoir réglementaire.

Cette disposition constitutionnelle n’est pas une simple étape du projet de renforcement de la décentralisation. Quoi qu’on en dise, c’est aussi la manifestation concrète d’une inflexion importante du principe de l’unité et de l’indivisibilité de la République.

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, les collectivités territoriales peuvent désormais participer concrètement à l’élaboration de la norme, grâce notamment aux lois d’habilitation. Cette nouvelle approche, au delà de l’adaptation, vise à moderniser l’action publique locale et à promouvoir l’efficacité des politiques publiques. Ceci, en rationalisant l’organisation administrative :

⁃ par une coopération intercommunale repensée (qui repositionne la commune) ;

⁃ en relativisant la notion de blocs de compétences (promotion des schémas supra, la Conférence territoriale de l’action publique, les contrats de convergence…).

C’est aussi en privilégiant l’élaboration d’un projet fédérateur instituant une relation rénovée avec l’État et l’Europe que l’on parviendra à une efficacité réelle des politiques publiques. Cela suppose nécessairement et urgemment un changement de posture de la part des exécutifs locaux.

Cette approche se retrouve (déjà) dans les actions privées et citoyennes autour de l’agriculture raisonnée, du tourisme durable et de l’innovation technologique. Dans certains secteurs d’activités, les Guadeloupéens conjuguent déjà leurs talents.

Ainsi, cette « fertilisation croisée » des actions est à promouvoir auprès des collectivités et des institutions publiques, car, plus qu’une crise des institutions, nous traversons une crise des acteurs.

Nous sommes dans le premier temps, celui de l’urgence sociale et de la reconquête du « pays réel ». La défiance exacerbée exclut immédiatement une initiative politique plus ambitieuse.

Le contexte juridique (évolution de la doctrine) et politique est favorable. Nous devrions saisir l’opportunité de mieux définir nos objectifs.

Il convient de proposer du contenu, de nouveaux indicateurs, afin de mieux évaluer nos politiques publiques stratégiques et améliorer la qualité des services publics offerts aux usagers.

C’est en étant plus pragmatique et moins dogmatique que nous parviendrons à restaurer la confiance et réduire la profonde défiance qui existe entre les citoyens et leurs représentants légaux.

Extrait de mon intervention au colloque « Statut constitutionnel et politiques publiques. Quel avenir pour la Guadeloupe ? », organisé par l’Université des Antilles, le CREDII, en partenariat avec la Région Guadeloupe, le Conseil départemental et l’Association des maires, le 4 novembre 2023.

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