Entendu au Créole Beach Hôtel (Gosier), « Vous êtes un Atout pour l’Europe ». Vrai constat ou discours à géométrie variable, selon qu’on le prononce au Gosier ou à Bruxelles?
La relation inégalitaire que nous impose l’Europe n’est plus fondée. Nous avons tout intérêt à mettre en avant nos différences comme cela est inscrit dans le traité de l’Union Européenne, et d’autre part, à assumer ce que nous sommes.
Nous incarnons la diversité et c’est grâce à cela que l’Europe est riche. Il faut mettre en avant une perception différente, regarder le monde autrement. Je partage volontiers l’analyse du député européen Younous Omarjee, lorsqu’il dit “nous ne sommes pas des petits pays, nous sommes immenses “.
L’outre-mer représente 80 % de la biodiversité française, et permet par conséquent à la France de rayonner sur les quatre océans. Les outremers et singulièrement les Antilles et la Guyane, assurent la présence de la France dans les Amériques.
En Guyane 1 hectare de forêt correspond à la biodiversité de l’ensemble de l’Europe. En sus, comment ne pas souligner l’existence du Centre spatial de Kourou qui permet à la France de s’ouvrir tout à la fois, sur les États Unis d’Amérique, la Russie et la Chine?
Par ailleurs, les îles du Pacifique et notamment la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, regorgent de nodules polymétalliques, qui constituent des matières premières indispensables pour les industries des pays développés.
On pourrait recenser à l’envi les nombreux atouts que renferment les collectivités françaises, hors hexagone, situées sur les quatre océans. C’est qu’avec le déclin de l’or noir et la dégradation des écosystèmes, l’économie verte, la « Green Economy », représente un véritable secteur d’avenir pour ce siècle.
En réalité le problème majeur que nous rencontrons le plus souvent est de concilier la préservation de cette biodiversité avec le développement.
A en croire, les discours des ministres de passage, indépendamment de leurs couleurs politiques, et aujourd’hui des commissaires européens, nos pays » disposent d’atouts considérables ». Les mêmes qui, sur le chemin du retour expliquent pourtant à quel point nous coûtons chers à la République française et à Bruxelles, rappelant alors la détestable formule d’un ancien Président de la République: “les danseuses de la République “.
Ce qui nous intéresse c’est de savoir comment et par quels moyens, de nouvelles PME locales peuvent se développer et créer les emplois de demain. La démarche porteuse consiste à mettre en œuvre les idées de nos jeunes porteurs de projets innovants. Dans le domaine de la biodiversité, des technologies de l’information et de la communication, de l’agro-transformation…
Durant ces quelques jours, où il sera question du nouveau POI 2014-2020 (programme opérationnel d’investissements), on peut raisonnablement penser que ce séminaire consacré aux Régions Ultra-Périphériques (RUP) permettra d’affirmer nos atouts.
Cohésion, attractivité et renforcement de la compétitivité, sont les principaux objectifs fixés par l’Union Européenne.
Dans l’esprit des orientations définies par le plan Juncker, nous serons bien inspirés d’appréhender les projets structurants, afin qu’ils aient une véritable incidence sur la qualité de vie de nos populations.
Le contexte exige de nous d’anticiper la sortie du schéma traditionnel, sucre, rhum et banane, pour aller vers ceux qui favoriseront la croissance verte et bleue. Notre bio-diversité, nos énergies renouvelables, notre espace maritime constituent incontestablement notre richesse. C’est la « dot » que nous apportons dans la corbeille de l’Union Européenne.
Le nouveau POI 2014-2020, nous offre l’occasion de changer de méthode, de faire preuve d’imagination, pour tordre le cou à une image d’éternels assistés, qui a la vérité est une invention.
Mais, parce que la hiérarchie des normes situe le droit européen au sommet des ordres normatifs, les parlementaires (nationaux et européens) devront être plus vigilants lors de l’élaboration de la norme. Réfléchir en amont aux incidences de l’application de la norme européenne sur les Régions Ultra-Périphériques, pour ne plus avoir à en subir les effets. Comme c’est notamment le cas pour la directive détachement, régime des travailleurs membres des États européens, dans le secteur du BTP ou encore sur d’autres sujets comme celui du transport ou de l’énergie….
Les enjeux sont donc considérables:
- en premier lieu, pour les collectivités territoriales, il s’agit d’obtenir le financement de leurs projets structurants dans un contexte de diminution des dotations publiques et d’application de la loi NOTRé (nouvelle organisation territoriale de la République),
- de bien comprendre les orientations définies par l’union européenne, les axes prioritaires retenus, et les nouveaux outils d’évaluation,
- de mettre (désormais) en place une véritable expertise et une meilleure stratégie pour bénéficier « réellement » des fonds européens.
Enfin, le bon usage des fonds européens favorise l’égalité des chances et permet de lutter contre « l’apartheid social » pour reprendre une expression utilisé par le premier ministre Manuel Valls et de réussir « l’égalité réelle » que le Président de la République François Hollande appelle de ses vœux .
Invité il y a quelques mois, à la XXème conférence des RUP, le commissaire européen en charge de la politique régionale Corina Cretu indiquait que » les années à venir seront essentielles pour l’investissement et la croissance ». Elle reconnaît les fortes contraintes, mais nous invite à travailler sur nos opportunités. Il s’agit là (peut-être) d’un discours de circonstance, mais il est plutôt encourageant.
Pour réussir ce pari, il nous faudra résolument explorer de nouvelles pistes, et nous inscrire dans une relation renouvelée avec l’Europe.
Car, nous savons que nous sommes une richesse pour l’Europe, ce sont les européens qui ne le savent pas. A vrai dire, nous sommes surtout une richesse pour nous-mêmes
(Politiques publiques – 11 juin 2015)