Les deux crises sociétales (gilets jaunes) et sanitaires (COVID 19) ont repositionné la collectivité de base au centre du paysage administratif local. Une aubaine pour les maires rétablis dans leur rôle d’élu de proximité.
Depuis les textes fondant la première décentralisation, quelques décennies plus tard, le fort endettement de l’État, les orientations dictées par l’Union européenne auront raison de l’autonomie communale et de la libre administration. Cette lente agonie ne date donc pas d’hier ! La reforme territoriale qui imposera en un temps record l’adhésion des communes aux EPCI à fiscalité propre, les lois sur la nouvelle organisation de la République (NOTRE) et la Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) vont accélérer ce déclin en répartissant les compétences stratégiques aux EPCI et aux assemblées locales. La commune apparaît déjà comme le parent pauvre des institutions locales. Un autre phénomène va considérablement affaiblir et accélérer le « déclin » de la commune. Il s’agit de la recentralisation rampante qu’opère le pouvoir étatique. Ce retour de l’Etat jacobin est assumé par un président de la République interventionniste, qui laisse peu de marge à ses premiers ministres successifs et aux assemblées législatives.
Les communes sont dès lors écartelées, entre un pouvoir central fort, des assemblées locales stratégiques et des EPCI à fiscalité propre qui captent l’autonomie fiscale et les compétences traditionnelles. Depuis la réforme territoriale de 2014, elles donc ont du mal à trouver leur place au sein des nombreux échelons administratifs. Une lente agonie que les crises sociétales et sanitaires vont interrompre.
Les gilets jaunes et le COVID 19 vont vraisemblablement stopper la marche inexorable vers le déclin. Innovantes et efficaces, elles ont bien gérées les crises. Les élus ont su tisser des liens avec la population et garder leur confiance. Cela aura pour conséquence de les replacer au centre du débat. Jusque-là marginalisés, le Président de la République devra se résoudre à descendre dans l’arène pour rencontrer les élus de terrain allant jusqu’à leur proposer le grand débat national (GDN). A cette occasion, Emmanuel Macron et les maires apprennent à se connaître et à échanger ensemble en direct et sans filtre. Mais, le mal est fait ! La crise de confiance en l’État, dans les institutions, s’aggrave. Les associations de citoyens, d’usagers fleurissent. Ces derniers considèrent que la simple démocratie participative s’avère insuffisante et exigent désormais de co-produire les stratégies de politiques publiques mises en place par les collectivités locales. Ils exigent dans certains cas de participer à l’élaboration des normes édictées ; sans toutefois en préciser le mode opératoire. La défiance est si forte que de nombreux maires refusent de se représenter aux élections municipales de 2020. Mais la résistance va finir par payer et la récente loi engagement et proximité leur offre l’occasion de revenir au centre des décisions qui les concernent. Promulguée le 27 décembre 2019, ce texte vise à revaloriser la commune et à la remettre au cœur de notre démocratie. Fruit d’un travail constructif entre le Gouvernement, les sénateurs et les députés, cette loi pragmatique part de la vie quotidienne des 500 000 élus locaux et répond à leurs attentes en matière de libertés locales. Elle a notamment pour objet d’assurer une meilleure représentativité des communes dans la gouvernance de l’intercommunalité.
Pacte de gouvernance : Les nouveaux maires ont 9 mois pour Agir!
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Juste après le renouvellement des conseils municipaux un débat doit avoir lieu au sein du Conseil communautaire pour décider de l’élaboration du pacte ou non.
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Les innovations de la loi engagement et proximité s’avèrent nombreuses et importantes. En témoigne notamment, le « Pacte de gouvernance entre les communes et l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre».
Les maires récemment élus pourront désormais retrouver des capacités d’action et s’assurer que les décisions prises au sein des EPCI correspondent aux attentes du terrain.
En octroyant au maire des pouvoirs nouveaux, le législateur lui permet de faire respecter ses décisions et d’être conforté au sein de son intercommunalité ; ce qui va simplifier le quotidien du maire et le sécuriser dans ses actions.
Une nouvelle perspective s’offre aux maires nouvellement élus, un nouveau défi : réussir le pacte de gouvernance. Après chaque renouvellement des conseils municipaux, un débat et une délibération sur l’élaboration d’un pacte de gouvernance entre les communes et l’établissement public peuvent être engagés. Ce pacte doit être adopté dans un délai de neuf mois à compter du renouvellement général, après avis des conseils municipaux des communes membres, rendu dans un délai de deux mois après la transmission du projet de pacte.
Jadis perçu comme un « astre mort », la commune peut désormais briller grâce à la récente loi engagement et proximité si les maires se l’approprient.
Teddy Bernadotte
Chargé d’enseignement
Université des Antilles
CAGI